www.ouest-france.fr/node/3295937
Claire ROBIN
Proche des cadavres exquis ou des haïkus, l’exercice auquel se sont prêtés les collégiens de Saint-Nazaire est résolument moderne et rend la poésie bien plus intéressante.
Une seule lettre vous manque et tout est chamboulé
« Comment écrire un poème avec des mots qui ne contiennent pas la lettre « e » ? La langue française est truffée de « e », c’est mission impossible ! »
Kiwi, avion, rossignol… Lucas s’arrache les cheveux qu’il a savamment coiffé en pagaille. Pas question, pour cette jeune plume tombée du nid, de laisser s’envoler l’inspiration.
Ce collégien essaie d’écrire un lipogramme. Un peu retorse, cette pratique littéraire exclut volontairement certaines lettres de l’alphabet. L’élève s’impose une contrainte supplémentaire : créer une phrase de 140 signes.
140, c’est le format maximum autorisé pour les messages – les tweets – que les usagers – les Twittos – envoient sur le réseau social Twitter. C’est aussi celui retenu par cette classe de 3e du collège Lambot, près de Saint-Nazaire, pour jouer les apprentis poètes.
L’approche est moderne, à des années lumière des récitations sur estrade, les poches bourrées d’antisèches. On pense au jeu du cadavre exquis, mais aussi aux haïkus, ces courts poèmes japonais célébrant la nature ou la beauté d’un instant.
« Écrire sans contrainte, c’est génial »
« Ça change des cours normaux, on a bien plus de liberté », livre une apprentie poétesse aux longs cheveux. « Écrire sous contrainte, c’est génial, mais c’est compliqué d’imaginer une poésie à la fois belle et cohérente », renchérit un twittos en herbe, les mains courant telles des araignées sur le clavier.
À l’autre bout de la toile, un écrivain. Lucien Suel, hurluberlu ch’ti et adepte, lui aussi, de la contrainte formelle. « Un poète vivant », se sont étonnés les adolescents, qui ont lié avec lui une correspondance sur Twitter. Il leur répond du tac au tac. De la poésie qui chate, qui claque. Vivante et domestiquée.
Margot a ouvert son propre compte Twitter il y a peu. Elle n’imaginait pas qu’on pouvait ainsi s’en servir pour de la poésie, elle qui appartient à une génération davantage active sur le réseau Facebook.
Ce cercle des poètes inconnus a aussi son compte, @Lambot3B.« Tu griffonnas noir sur blanc nos mots d’amour, tu raisonnas sans savoir si l’accord parfait continuait mais la passion nous dominait », peut-on par exemple y lire. On dirait un billet doux, mais c’est un tweet affiché sur le web, universel.
Un autre parle de la vie quand on a la chance et la trouille de l’avoir devant soi : « Futur inconnu, futur infini. Futur d’illusion, un si grand gâchis. Futur imaginatif, futur à souhait. Futur tout normal si imparfait. »
On est sérieux quand on a quatorze ans.
Horaires Lundi : 8h – 17hMardi : 9h – 16hMercredi : 8h – 12hJeudi : 8h – 16hVendredi : 8h – 15hPour consulter le portail du CDI :
|